A travers les villages abandonnés d'Aragon.

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Cette conte est parue en deux parties dans la Revue Pyrénéenne d'octobre et decembre 2013



Cela faisait près de deux mois que je travaillais au refuge des Sarradets sans un seul jour de congé. Je ne me plaignais pas - C’était mon choix personnel et j’étais content de pouvoir travailler, mais prévoyant une pause nécessaire en milieu de saison, j'avais réservé un billet d'avion pour partir à Amsterdam. La date de départ approchant, loin d’avoir hâte de retrouver des amis aux Pays Bas je sentais de moins en moins l’envie de retourner à la "civilisation." Je ne voulais pas voir des voitures, ni passer mon temps dans des bars. Je voulais rester dans les Pyrénées. C'est donc ce que j'ai fait et l'avion est parti sans moi.

J'ai rempli mon sac à dos avec tout le nécessaire pour une randonnée à travers les montagnes et je me suis dirigé vers la Brèche de Roland. J’étais rodé à cette courte montée d'environ deux cent mètres, mais le poids supplémentaire sur mon dos rendit mon ascension plus lente que d'habitude.

Le neige de l'hiver et du printemps avait bien fondu et des touffes d'herbe éparses commençaient à pousser sur la front de la moraine. Le vent portait le grondement de la cascade à travers le cirque, résonnant comme une vague déferlant continuellement sans s'écraser sur une plage. La masse d’eau était agitée par le vent éclaboussant son chemin de descente sur la face de la Marboré. J'ai passé un fossé qui s’est creusé dans le glacier et j’ai viré loin du chemin, suivant l'eau qui coulait sur les rochers lisses, pour rejoindre une piscine naturelle creusée dans un calcaire par les glaciers d’antan. Je me suis dévêtu pour m'immerger dans l'eau glacée, un passe-temps que nous avions adopté entre aides gardiens.

Revivifié, mais quelque peu diminué par l’eau glacée, j'ai rejoint la piste et gravi la dernière pente de neige glissante qui subsistait dans l’ombre des contreforts de la brèche et qui menait à la frontière.

"Une fois de plus vers la brèche chers amis”, comme écrivait Monsieur Shakespeare.

Un moment je suis resté dans la brise au seuil de cette porte béante, le regard plein sud sur les montagnes à l'horizon lointain et la forme éloignée du Tozal de Guara. Au pied de cette montagne nichait une petite village nommé Nocito. Mon objectif était à quelques kilomètres de là, le petit hameau de San Urbez. Je fis un pas en avant pour franchir la frontière et me trouver en Espagne.

Je n'avais pas établi d'itinéraire précis et ne disposais pas de carte. J'avais décidé de suivre mon intuition et de voir ce qu'il adviendrait. J'aurais pu descendre directement vers la vallée de Torla, mais j'avais entendu dire que le canyon d’Anisclo était particulièrement spectaculaire, donc j'ai choisi de me diriger vers le refuge de Góriz, où j'ai passé ma première nuit, pour ensuite suivre un tronçon de la GR11, qui relie les deux côtes maritimes de ces montagnes.

Je descendis des sentiers escarpés, flanqués de ruisseaux et de cascades et des silhouettes tordues et noueuses des pins à crochets. C’étaient les premiers arbres que je voyais depuis près de deux mois. Je me suis frotté les mains contre l'écorce rugueuse et je cueillis un bourgeon vert et résineux, que je mis en bouche et mâchai en chemin, parfumant mon haleine de pin.

Au Fon Blanca je suis tombé sur une cabane en pierres, rudimentaire mais confortable. Il était trop tôt pour songer à y dormir, mais j’y ai déposé mon sac pour faire une pause casse-croûte.
La vallée d'Anisclo, l'un des plus beaux sites que j'aie jamais vus, s'offrait à ma seule contemplation. En suivant la rivière qui coule à travers la vallée j'arrivai à un point d’eau calme avec une petite cascade, entourée de rochers plats chauffés par le soleil. Je retirai de nouveau mon sac à dos et me suis déshabillé avant de me glisser délicatement dans l'eau. La température était saisissante, mais toutefois pas aussi glaciale que ma baignade de la veille au pied de la brèche de Roland. Je m'étendis sur les roches plates, haletant, me laissant pénétrer de la chaleur douce du soleil et de la pierre.

Les pins commençaient à céder la place aux hêtres et aux troënes. Ma privation de verdure et les mois passés à respirer l'air pur de haute altitude me rendait incroyablement sensible aux odeurs. Le parfum nuancé des arbres était presque enivrant.

Je marchais sur un sentier forestier qui longeait la rivière, en écoutant le fracas de l'eau dévalant. J'avais dépassé les descentes raides qui faisaient souffrir mes genoux et m’obligeaient à regarder où je mettais les pieds et à présent, avec les bruits de mes pas amortis par le sol mou, j'ai eu plus de loisir pour admirer les alentours. Des piscines bleutées, des cascades, des surplombs et des sommets majestueux m’entouraient. Je me suis arrêté plusieurs fois pour profiter de la beauté remarquable de l'endroit. J'ai grignoté des fraises et des framboises sauvages, de véritables explosions de goût dans ma bouche. Il y avait des endroits parfaits dans les bois pour planter une tente. C’était tentant d’y rester mais je continuai mon chemin.

Il avait plu récemment et les bois étaient encore humides. Un nombre incroyable de champignons de toutes tailles et couleurs poussaient le long du chemin. Fussé-je un mycologue plus averti j’aurais pu prélever de quoi faire un repas copieux.

Même sans itinéraire précis, je m'étais fixé quelques objectifs. Je suivais les traces de San Urbez. Beaucoup d'endroits portaient ce nom dans le coin et je voulais relier certains d'entre eux par un chemin de pélerinage improvisé pour donner à ma randonnée un thème cohérent et y ajouter une dimension spirituelle. Je voulais atteindre l’ermitage de San Urbez en fond de vallée avant la tombée du jour. La légende veut que San Urbez y séjournât pendant de nombreuses années et j’espérais y passer la nuit.

Le soleil était bas au moment où je suis arrivé à l'ermitage. L’entrée été barrée par une porte en fer forgé cadenassée et le lieu saint avait été transformé en église avec un autel et des bancs. Tout compte fait je n'y dormirais pas.

San Urbez a également supervisé la construction d'un pont qui reliait les deux côtés de la rivière. Je traversai lentement le Puente de San Urbez, en regardant l'eau chaotique, loin sous mes pieds au fond du canyon. Juste à côté, était un pont trés laid en béton pour les jeeps des gardiens du parc.
Je sentis les voitures avant de les voir. Je n'en avais pas vu depuis longtemps et elles ne suscitent pas exactement les mêmes sentiments de joie que les arbres.

J'étais fatigué et affamé, mais l’ermitage ne m’offrant pas de refuge pour la nuit il me fallait poursuivre ma route. Je savais qu'il y avait un hôtel à Nairn, une village à moitié abandonné à quelques kilomètres encore. La perspective d'un bain bien chaud, d'un bon repas et d'un lit confortable me paraissait très séduisante, mais il ferait nuit bien avant que j’y arrivasse.

Un panneau m’indiqua que l'hôtel était encore six kilomètres plus loin et après une journée de marche l’idée de marcher encore une bonne heure avec un sac à dos qui pesait davantage à chaque pas ne m'enthousiasmait pas.

- C’est un pélerinage, me dis-je. Je peux renoncer au confort. Je suis autonome et n'ai pas besoin d'un hôtel.

Je quittai la route et passai parmi les arbres jusqu’à trouver un endroit abrité et plat où ériger la petite tente de bivouac que mon cher ami Sascha m’avait prêtée pour le périple. Je m'offris une petite séance de yoga crépusculaire pour m’étirer et m’ancrer. Le vent soufflait doucement dans les feuilles et les oiseaux chantaient la sérénade au soleil. Il n'y avait pas un nuage dans le ciel et les montagnes escarpées été peintes d'or par le couchant. J'ai mangé un peu avant de m’installer dans la tente, physiquement épuisé, mais immensément heureux.

Le soleil était bas dans le ciel et un frisson courait dans l'air du matin. Mon sac à dos semblait plus lourd que la veille. Une voiture passa, puis freina.

“Voulez-vous qu’on vous prenne?” demanda le chauffeur. J'eus un petit moment d'hésitation, me disant que pour un vrai pèlerinage je devrais marcher tout le chemin, mais à l’instant j'improvisai une règle qui me permettait de monter dans une voiture quand je me trouvais sur une route goudronnée.

Le couple en voiture était de Madrid, fuyant la chaleur estivale de la ville. Nous négocions quelques virages serrés. Je me rangeais à l'idée que ce ne fût pas là une promenade très agréable. J'ai vu quelques groupes de personnes se glisser dans des combinaisons de plongée et, luttant avec des baudriers d'escalade, se préparer pour une expédition dans les canyons. Mes bienfaiteurs, qui allaient se joindre à eux, me laissèrent au village de Fanlo.

Une armée de parasols rouges signalait un café ou je pourrais prendre le petit-déjeuner.

Me sachant végétarien les gardiens du refuge de la Brèche de Roland avaient constitué un stock de haricots et de légumineuses afin de couvrir mes besoins en protéines, mais en randonnée c’était un peu plus problématique, alors je me suis autorisé à manger des œufs. Plus j'y pensais, plus j'avais envie d'œufs. J'imaginais des poules élevées en liberté en haute altitude, goûtant un régime naturel et sain. L’eau me venait à la bouche à l'idée d'œufs de ferme bien frais, légèrement frits dans l'huile d'olive, avec une pincée de sel, et peut-être quelques tomates mûres et du pain frais. Je pouvais presque les goûter. Dans un village typique espagnol je trouverais surement cela.

"Nous ne faisons pas d'œufs frits. Seulement des omelettes », déclara la matrone aux cheveux gris et aux lèvres pincées.
"Mais vous avez des œufs?" lui demandai-je.

Elle m’expliqua que les œufs étaient un produit prêt-à-cuire, déjà battu dans leur emballage. Le pain était fait d’une pâte industrielle, acheté précuit, et fini dans un four. Le fromage n'était pas dans son assiette, les tranches à moitié desséchées étaient prédécoupées et transpiraient à grosses gouttes. Il n’y avait pas de tomates. Pour tout dire, je fus assez déçu par le petit-déjeuner.

Je demandai à la vieille femme de m’indiquer des sentiers et elle suggèra quelques itinéraires.
Au moment de payer je réalisai que c'était la première fois que je dépensais de l'argent depuis deux mois. Acheter un service était presque une redécouverte. Comme il serait agréable de vivre tout le temps sans les contraintes des transactions monétaires et financières. Je me sentais victorieux d'avoir échappé au système, fût-ce quelques jours.

J'ai continué sur un sentier à travers bois, cheminant erratiquement en direction du village de Fiscal. Le chemin était jalonné de bandes jaunes et blanches peints sur les rochers et les arbres. La marche était aisée et j’étais content d'être à l'ombre. Des toiles d'araignées suspendues entre les arbres me chatouillaient le visage et m’informaient que j'étais le premier passant ce jour-là. C'était agréable d'être seul, en prenant mon temps, marchant et m'arrêtant quand bon me semblait. Et toujours, je me régalais de fraises des bois.

De temps en temps, je sortais dans des clairières, ou des pâturages où poussaient des fleurs sauvages. Le parfum enivrant me rappelait le miel. Je fermais les yeux et m'imaginais être une abeille à la recherche de nectar sucré.

 Il faisait chaud. Même à l'ombre, j'ai commencé à transpirer. J'avais déjà perdu beaucoup d'altitude et je n'avais presque plus d'eau. La seule eau que j'ai pu trouver était dans un abreuvoir alimenté par une source entourée d'un massif de framboisiers. Je remplissais mes gourdes et me gavais des framboises.

Plus loin sur la piste, je me suis retrouvé nez à nez avec un cerf. Nous nous sommes regardés un long moment, tous deux immobiles. Flairant l’air, et sans doute ma transpiration, le cerf se retourna brusquement et s'enfuit dans la forêt. Je l'entendis longtemps après, brayant et aboyant, comme pour annoncer la présence d’un irlandais dans les bois.

Le sentier devient un chemin forestier, la terre grattée par un bulldozer, et bordée de roches dynamitées était truffée de fossiles. Je contemplais ces minuscules créatures marines qui nageaient dans les océans des millions d'années auparavant - longtemps après que tous ces cailloux aient été formés. En comparaison la durée de ma propre vie semblait donc très brève et insignifiante.

À certains moments, je réalisais que je n'avais aucun souvenir des minutes précédentes. Je suis entré dans un état de transe. Il y avait juste le rythme hypnotique d'un pied posé devant l'autre, l'inspiration et l'expiration. Rien d'autre.

La route forestière me conduisit sur le versant sud de la montagne et le paysage changea brusquement. L'air était sec. La piste est devenue poussiéreuse. Le thym et la lavande poussaient au bord de la route. Les arbres étaient principalement des pins et des buissons épineux. Les pulsations rythmiques des criquets et des sauterelles remplissaient mes oreilles. Je mis un chapeau en toile à large rebord pour me protéger du soleil. Je buvais l'eau de l'abreuvoir. Les balisages jaunes et blancs m'entrainaient hors de cette voie aisée et un petit sentier grimpait à travers les broussailles en franchissant des murs de pierres en ruine et d'anciens champs en terrasses vers une crête lointaine.
Je suis arrivé au col entre deux vallées. C'était un bon endroit pour s'arrêter. Il y avait une petite chapelle en pierre perché à côté du col. Ciselé dans le linteau de pierre, incrusté de lichen, était la date 1779. La chapelle était abandonee depuis longtemps, et la quantité de fumier séché sur le sol témoignait qu’elle faisait office d'abri pour le bétail. Au-dessous du col les vautours et les faucons glissaient et tournaient dans les courants ascendants. Loin sur l'horizon Nord, de nouveau je voyais la Brèche de Roland.

J'ai posé mon sac à dos à côté de la porte de la chapelle et puis j’ai fait un petit feu de quelques brindilles séchées. Le feu a pris instantanément et il n'a pas fallu longtemps pour porter quelques tasses d'eau à ébullition dans une casserole que je portais. Pendant que mon thé infusait j'ai soigneusement éteint et enterré les braises.

Rafraîchi, j'ai suivi le sentier raide descendant dans la vallée voisine. Des pommes de pin roulaient sous mes pieds. Les roches polies racontaient d'innombrables générations de gens qui étaient passés là avant moi.

Au bout d'un moment, le sentier rejoignit une piste plus large. J'ai essayé de marcher à l'ombre, mais il n'y en avait pas beaucoup. Mes chaussures de marche étaient couvertes de poussière fine. Je venais à manquer d'eau de nouveau. Le sentier suivait le long du lit desséché d'un ruisseau. Il y avait encore des murs en pierre, certains encore en très bon état. Il y avait des noyers et les pommiers, puis je suis arrivé au village abandonné de Cajol. J'ai trouvé un point d'eau. J’ai trempé ma tête et une fois ma soif étanchée, j'ai rempli ma gourde. Aucune des maisons n'avait de toit, mais la plupart des murs semblaient assez solides. Partout en Aragon, et pour le reste de mon pèlerinage, j'ai rencontré ces villages abandonnés, rappels de l'impermanence de toute chose. Des centaines d'années durant, les gens sont nés et sont morts ici, vivant toute leurs vies dans un univers circonscrit à quelques vallées voisines.

Au début du siècle dernier, la majorité de la population mondiale vivait dans des villages et dans les zones rurales. Cent ans plus tard, la grande majorité vit dans les villes et les villages.Le phénomène d'exode rural du XXe siècle a touché l'Espagne comme partout ailleurs. Les jeunes ont quitté le pays pour travailler dans les villes. Souvent les quelques personnes âgées qui restent étant incapables de travailler la terre efficacement, ont rejoint leurs enfants dans les immeubles des villes comme Sabiñanigo, Huesca et Saragosse.

La guerre civile espagnole a vu beaucoup de jeunes hommes en bonne santé quitter ces villages pour ne jamais revenir. Les poches autonomes de la population dans les Pyrénées a été l'un des bastions de la résistance. Franco savait que la population urbaine était plus facile à contrôler et encouragea la population à se détourner de l'agriculture rurale vers l'industrie urbanisée.

Il y avait d'autres facteurs. Celui qui me troublait était l'eau. Pour les quelques personnes qui ont repeuplé certains de ces villages l'eau est un problème permanent et une source de conflit et d'inquiétude, comme il a dû l'être pour ceux qui y vécurent avant eux.Quand la population des villages augmenta, la nécessité d'agrandir les terres agricoles et en bois de chauffage entraina une déforestation. Moins d'arbres équivaut à moins de pluie et il est devenu plus difficile d'irriguer les cultures.

Quelques années auparavant, j'ai rencontré un vieil homme dans le village abandonné d'Otin, qui m'expliqua que la radio avait eu un énorme impact sur la population locale. Des villageois isolés ont soudainement pris conscience du monde moderne au-delà de leurs vallées et ils voulaient le rejoindre.

Ces villages désertés n’avaient rien d’une ambiance lugubre. Des naissances, des morts et des mariages, des rires et des larmes, des peines et des joies, des récoltes, des fêtes, des disettes, à part les vieux murs en pierre et les vergers sauvages il ne subsistait pas même un écho de ces vies d’antan.

Tout ce qui restait était le silence de la nature en train de reprendre lentement ses droits. Même les fantômes avaient déserté ces villages - du moins c’est ce que je pensais alors.

J'ai continué le long d’une large piste qui se dessinait sur le fond ce cette vallée. Le soleil se rapprochait de la crête. Mon ombre s’allongeait. La chaleur torride avait diminué. Une tranquillité ombragée est venue se coucher sur la terre. Mes jambes et mes épaules étaient fatiguées. J'ai suivi un tuyau d'eau en plastique noir sur quelques kilomètres. Quelqu'un s’était donné beaucoup de mal pour obtenir de l'eau.Un panneau en bois indiquait Sasé, encore un petit village abandonné, perché à proximité sur l'épaule de la pente. De là, Fiscal, en bas dans la prochaine vallée, devait être à une heure de marche. Je pensais y être avant la tombée de nuit, mais en fait, il me fallut encore deux jours.

Le sentier se faufila dans un véritable bois enchanté ou surgissaient de vénérables chênes géants. La mousse couvrait les murs qui bordaient le chemin étroit. J'ai inspiré de grandes bouffées de cette fraicheur silencieuse et paisible. Quelque chose m'attirait vers le village de Sasé. Je pensais que c'était la soif. Ce l'était peut-être, mais bientôt j’ai compris que c’était une soif d'une autre nature, un désir profond du cœur, ou encore plus profond que le cœur, quelque chose de l'âme elle-même. L'endroit m'avait ensorcelé. Je ne pouvais pas quitter ce bois enchanté.

J'ai regardé autour pour trouver un endroit pour camper. Soudain, j’ai senti que je n'étais pas seul. Je tournai la tête et elle était là. Debout au-dessous de moi en haut d’un mur en pierre je vis une apparition, qui ressemblait à une jeune femme. Elle portait une robe en lin bleue. Ses yeux étaient tantôt marrons, tantôt verts, ses lèvres étaient pleines et pulpeuses. Elle me fit signe de monter les escaliers. J'étais dans un rêve où le cours du temps n'avait plus de sens. Était-ce le fantôme d'une ancienne villageoise revenu hanter les ruines abandonnées? J'étais incapable de résister à son appel. Donc j'ai gravi une demi-douzaine de marches en pierre taillées.

Au sommet de l'escalier était un jardin en friche et une vieille cabane en pierre. Un merle gazouillait bruyamment. Les buissons épineux d'églantier étaient en fleur tapissant le sol de pétales de roses.

Elle m’a souri en silence, presque timidement, mais il y avait un soupçon de lumière espiègle dans ses yeux. Sa peau était pâle et claire comme celle d'un enfant, mais il n'y avait rien d'enfantin dans ses formes tout en courbes, l'incarnation de la féminité à son apogée. Et pourtant il y avait quelque chose d'éthéré et d'inconsistant à son sujet.

Je l'ai suivie à travers le jardin. Elle se tourna vers moi. Elle était familière. Je me disais que je ne l'avais jamais vue avant.Je n’avais pas de souvenir précis, mais il me semblait la reconnaitre et l'avoir déjà vue dans des rêves depuis longtemps oubliés.

Elle m'a donné de l'eau fraîche à boire et nous nous sommes assis dans l’herbe sous un cerisier. Elle tenait ma main et m'a parlé de nos vies antérieures respectives, et comment elle avait attendu si longtemps mon retour.

J'ai passé deux jours à Sasé, charmé par le sort qui avait été jeté sur moi, dormant la nuit au pied du cerisier, levant les yeux vers le ciel pendant des heures interminables. Les étoiles filantes en or et en argent flambaient dans la nuit, produisant un effet qui se prolongeait sur ma rétine plus longtemps que sur la toile bleu-noir du ciel nocturne.

C'est au début de l'après-midi que je pus enfin m'arracher au village abandonné et enchanté de Sasé. La piste poussiéreuse descendait raide. Une rivière séduisante traçait un chemin à travers le fond de la vallée. Sur la route des voitures s'écoulaient.

Fiscal me semblait un endroit assez joli, mais je ne pus pas trouver de lieu qui servît de la nourriture sans viande. Je croquai quelques graines de citrouille et des raisins secs en guise de repas de midi. Une enseigne utile montrait une carte des sentiers de randonnée.J'en ai trouvé un qui conduisait près de ma destination dans la vallée, encore lointaine, de Nocito.

J'ai laissé Fiscal derrière moi. Des camions lourds passaient, me couvrant d’un fine poussière qui s'élevait en nuages de la piste non goudronnée. Les camions transportaient des cargaisons de gravier et de sable pour la construction d'une nouvelle route.

J'ai suivi la piste et je suis entré dans une forêt. J'ai entendu des explosions dans une carrière voisine, du moins pensé-je. J'ai suivi les balises jaunes et blanches. Le sentier quittait la piste principale pour grimper en amont à travers les arbres. J'avais fait trois pas sur la piste quand une voiture portant les marques de la Guardia Civil, la police militaire espagnole, a dérapé à un arrêt à côté de moi. La fenêtre a glissé vers le bas dans un bourdonnement électrique. Il y avait deux policiers à l'intérieur. Ils portaient des moustaches tous les deux et aussi des lunettes de soleil.

“A donde vais?” demanda le plus proche. Je voyais ma reflexion dans ses lunettes de soleil.J'étais en sueur, poussiéreux et mal rasé. Je ne faisais probablement pas trés bonne figure.
“Por alli,” j’ai répondu en indiquant le petit sentier.
“Vous ne pouvez pas poursuivre dans cette voie. C'est trop dangereux. Ils construisent une nouvelle route. Ils utilisent de la dynamite. Vous devriez retourner à Fiscal,” a-t-il dit en m’indiquant la direction d’où je venais.

Comme pour appuyer son propos, une nouvelle explosion fit trembler le sol. Elle était beaucoup plus proche que les précédentes. La fenêtre de la voiture ferma et les deux gardes démarrèrent dans un nuage de poussière. J'étais réticent à rebrousser chemin jusqu’au Fiscal. J'ai même hésité un long moment, mais j'ai décidé qu'il serait insensé de continuer. L'arrivée de la Guardia Civil était de bonne augure. S'ils étaient arrivés une minute plus tard, ils ne m'auraient pas vu et je me serais lancé sur un sentier bien périlleux.

Je suis retourné à Fiscal, plus éprouvé par la chaleur et plus fatigué que précédemment.Je suis allé à l'office du tourisme. La femme qui y travaillait était très accueillante et serviable. Selon elle il semblait que ma seule option était de faire du stop jusqu’à la ville de Boltaña, pour ensuite rejoindre le sentier GR1 qui me conduirait directement à San Urbez. J'avais faim et je lui demandai si elle pouvait me conseiller un endroit pour manger.

Dix minutes plus tard j'étais assis à une table sur la terrasse ombragée de saules d'un restaurant du camping. Le serveur était un type du coin bien sympathique.Il connaissait tous les sentiers et m’expliqua comment accéder à quelques pittoresques villages semi-abandonnés sur un chemin qui me conduirait tant bien que mal dans la bonne direction.

J'ai eu un très bon repas avec des œufs sur le plat (enfin!), des pommes de terre sautées à l’huile d’olive et des tomates qui avaient le goût du soleil. J’ai arrosé le tout avec une grande carafe de vin rouge.

Je suis parti de bonne humeur, en chantant sur la route vers le village de Buerba. Une voiture s'est arrêtée et le conducteur me proposa de monter à bord. J'ai accepté. Les occupants étaient une sympathique famille de Saragosse. Et ils étaient fiers de pouvoir me dire que le professeur d'anglais de leur petite fille était aussi un irlandais. Ils m'ont déposé à l'entrée du village.

La plupart des maisons à Buerba étaient en ruine, mais quelques-unes d'entre elles avaient été partiellement restaurées et certaines semblaient être habitées. Le serveur au restaurant du camping de Fiscal m'avait parlé d'un endroit agréable pour se baigner près du village. J'avais chaud et mes vêtements pleins de transpiration me collaient à la peau. Un plongeon dans une rivière était tout ce dont j'avais besoin. J'ai demandé mon chemin à un vieil homme.Il avait une grande barbe grise et était occupé à aiguiser sa faux. Il était torse nu et son torse était couvert de fourrure grise. Il m’indiqua une direction assez vague et murmura quelque chose que je ne comprenais pas, peut être en dialecte Aragonais. Il devait lire l’incompréhension sur mon visage, car ensuite il me parla en espagnol très clairement articulé, et me montra le chemin pour trouver la rivière. Il m’indiqua un champ plat pas loin et me dit que je pouvais y camper pour la nuit si je voulais.Je le remerciai de l'offre, mais je voulais marcher plus loin. J'avais quitté Sasé tardivement, ayant eu du mal à quitter le lieu et mon demi-tour à cause des explosions m’avait couté du temps et des kilomètres. D’ailleurs je marchais plus à l'aise dans la fraîcheur du soir.

Je me suis plongé dans le bassin profond qui s’était formé dans un méandre de la rivière, laissant le léger courant d'eau froide masser mon corps endolori. Après une longue submersion bienfaisante je me suis allongé sur les rochers plats qui bordaient le fleuve en regardant les arbres et le ciel du soir, en écoutant l'eau qui coule et l'appel des oiseaux invisibles.

Un panneau indiquait un choix de pistes. J'ai suivi celui qui grimpait en flèche à travers les bois vers le village de Basaran. La lumière du soir dans les bois décolorait le monde en ne laissant que des tons sombres de vert et gris. Parfois le sentier raide était si étroit que mon sac à dos s'accrochait aux branches. J'ai dû grimper sur d'immenses arbres tombés qui bloquaient mon chemin. L'euphorie du vin commençait à s'estomper. Je me sentais léthargique. Je n’avais plus le vent en poupe. J'ai été tenté de m'asseoir et m’arrêter, mais j'ai poussé plus loin et plus haut. Quand j'ai vu les murs en pierre je savais que je devais être à proximité du village de Basaran. Le village se trouvait sur un petit plateau. Je longeais la rue principale silencieuse et déserte au moment où le soleil se couchait. J'ai trouvé un terrain plat à l'abri d'un buisson de houx ou j’érigeai ma petite tente, puis je rampai à l'intérieur. Je laissai la tente ouverte et je regardai le lever de la lune à travers les pins noirs sur une crête rocheuse et sombre. La lune brillait orange dans les derniers rayons du soleil qui restaient.

Je me suis réveillé avec le soleil. J’avais soif et un peu la gueule de bois. Il faisait assez froid pour mériter un bonnet de laine. J'ai fini le restant de mon eau. Il n'y avait même pas assez pour faire une tasse de thé. Après quelques étirements et des exercices de respiration j'ai plié la tente et je me suis mis en route en direction du sud.

Il y avait beaucoup de pistes à choisir. J'ai suivi mon intuition. J'ai croisé un énorme taureau solitaire. Il était facilement de la taille d'un petit minibus. Je me suis tenu bien à l’écart mais et il m'a lancé un regard désintéressé. Il y avait même une expression de solitude dans ses yeux, livré à lui-même dans les montagnes loin de ses semblables à moins que cette interprétation ne relevât d'une envolée d’anthropomorphisme dont je suis coutumier et que je projetasse sur lui mes propres émotions.

La fatigue accumulée, ma gueule de bois et mon rêve concouraient à me mettre d'humeur mélancolique. Je traversais encore des villages abandonnés et j’en ai vu davantage sur les flancs des collines et montagnes lointaines. Partout d'innombrables murs en pierre et les pistes pavées des cailloux lissés par des siècles de passage témoignaient des habitants disparus.

Il commençait à faire chaud. J'ai changé mon bonnet de laine pour le chapeau au large bord. Il n’y avait de l’eau nulle part. Je traversais des pâturages où poussaient que des chardons aux plumes pourpres et les buissons épineux. Je suis arrivé à une crête. J'ai laissé mon regard balayer l'horizon et surpris, je me suis rendu compte que je regardais le Tozal de Guara. Je connaissais très bien ses contours, ayant eu l’occasion de le contempler longuement à plusieurs reprises par le passé.

Reconnaitre la montagne me redonnait du courage. Il était encore tôt et je croyais pouvoir atteindre ma destination avant la nuit.

Je ne sentais pas la faim, j'avais bien mangé la veille, mais surtout c’était la soif qui me tenait. De nouveau j’ai mis à profit un tuyau près d’un abreuvoir pour mes bouteilles. Cela devenait une habitude. J'ai avalé de gorgées assoiffées. Cette eau tellement pure avait le gout de neige fondue et de roche.

Les bouteilles d'eau ajoutaient encore trois kilos à mon sac à dos déjà surchargé. Cela s'est avéré trop. Le poids a cassé l'une des pinces en plastique qui tenait la sangle. En conséquence, mon sac à dos était désormais déséquilibré et penchait d’un côté.

J’ai passé le sanctuaire de Santa Orisa, un immense bâtiment en pierre. La sainte était la fille d'un roi de Bohême, qui avait abandonné une vie de luxe au neuvième siècle pour se consacrer à la quête spirituelle. Dans cette terre assoiffée, elle est toujours vénérée et on se souvient d’elle surtout pour avoir le don de faire jaillir l'eau des rochers. Je comprenais trop bien pourquoi une sainte avec de tels pouvoirs était populaire dans ces paysages de soif.

J'avais le choix entre deux sentiers pour descendre dans la vallé. J'ai pris le mauvais. Après une longue descente aux genoux endoloris, j'ai été consterné de reconnaître la ville de Sabiñanigo et ses usines de traitement d’aluminium et de me rendre compte qu’elles étaient toutes proches. Mon erreur m'a coûté plusieurs heures au moment de la journée ou il faisait le plus chaud. Je me suis maudit de voyager sans carte.

J'ai rejoint un autre sentier qui au bout d’un long moment me conduisit au village de Yebra de Basa. Une nouvelle route encore en construction parlait des fonds de développement régionaux. Elle devait rejoindre la route où la dynamite m'avait obligé de changer mon itinéraire la veille.

J'ai adapté un itinéraire à partir d'un panneau dans le village qui affichait une carte. J'ai suivi les panneaux et les balises jusqu'à ce qu'ils disparaissent. Je me suis trouvé errant autour d'un champ vide. J'ai fait demi-tour et j’ai choisi une autre voie. Après encore une heure j'ai retrouvé les balises. Je n'avais toujours pas l'appétit. J'étais épuisé. Mon humeur et mon taux de sucre dans le sang était bas. Je me suis assis sur un rocher et je me suis forcé à manger.

J'ai cheminé le long de la piste avec mon sac pesant inégalement sur le dos. Je voulais que cette randonnée se terminât. Que faisais-je ici de toutes façons ? A cause de mon sac déglingué mon dos me faisait mal et dû aux descentes raides mes genoux étaient endoloris.

Puis dans mon esprit, je revis le visage souriant de la jeune fille de Sasé. Les oiseaux se mirent à chanter et un nuage de papillons m’entourait, embrassant mes bras plein de transpiration. Ils m’accompagnèrent un long moment.

L'air sec de la forêt était étouffant. Il n'y avait pas trace d'une brise. Des grillons chantaient leur chanson assommante. Après un long moment, le bruit d’un cours d'eau rompit le silence. J'ai suivi le son et je découvris une petite cascade et un bassin à sa base. Je jetai sur mon sac à dos et des vêtements avec vigueur, et je me glissai dans l'eau douce apaisante.

Je me suis habillé et partis reposé, en marchant sur un épais tapis d'aiguilles de pins spongieux qui coiffent une colline escarpée. Je commençais à penser que je n’arriverais pas à San Urbez avant la tombée de nuit. Encore quelques heures d'effort épuisant m'ont amené vers le hameau de Castillon de Guara. J'ai perdu la piste, puis je l’ai retrouvée, puis je l’ai perdue  à nouveau. Je me débatais dans les sous-bois jusqu'à ce que j'arrivasse au bord d’un ruisseau asséché. Un mètre plus bas dormait un énorme sanglier. Je n'avais aucune envie de tomber nez-à-nez avec un cochon sauvage sorti de sa sieste de manière impromptue. Je reculai tranquillement et je cherchais ailleurs la trace du chemin.

J'étais perdu. Je ne savais pas où aller. Chaque direction se ressemblait. Je ne pouvais même pas trouver le chemin d’où je venais. Ma gueule de bois ne s’est jamais vraiment estompée et ma tête douloureuse bouillait sous le soleil brûlant. J'ai erré sans but au moins deux heures durant. Je pensais avoir trouvé une clairière, mais cela s'est avéré être un profond ravin, beaucoup trop raide pour tenter de le négocier. Le paysage miroitait dans la chaleur. J'étais épuisé physiquement, mentalement et émotionnellement. Je me suis assis et j'ai pleuré de frustration.

J'ai pensé à San Urbez. Avait-t-il traversé des moments comme le mien ? Il n'avait pas de larges pistes forestières ou de balises jaunes et blanches à suivre. Quoi que de son temps, les villages étaient habités et il y aurait eu beaucoup plus de gens sur les sentiers. En dehors de quelques chiens qui aboyaient à Castillon, je n'avais pas vu âme qui vive depuis que j'avais traversé Yebra de Basa.
Au milieu de ces tractations mentale, j'eus un bref moment de lucidité. Je réalisai que je me mettais à la peine.

Inutilement. J'étais résolument tourné vers mon but, déterminé à atteindre ma destination. Ce qui était vraiment important n'était pas où j'allais, mais plutôt là où j'étais. C’était une leçon que je devais apprendre encore et encore.

Ayant opéré cette prise de conscience, mon humeur fut instantanément plus légère. J'ai rassemblé mes esprits. J'avais de quoi camper, le temps était clément et j'avais assez de nourriture. Si je n’atteignais pas mon objectif en soirée, j’y arriverais certainement le lendemain. Point n'était besoin de se presser. J'avais tout mon temps. Je me suis rappelé que j'étais censé être en vacances.

Je me suis de nouveau mis en route, en me repérant au soleil. Presque instantanément, j'ai trouvé des balises de sentiers. Je savais que la route principale longeait le Rio Guara quelque part dans la vallée en dessous de moi. Encore une fois, les balises ont disparu. J'ai traversé un champ de hautes herbes, puis tout d’un coup une voiture est passée devant moi à dix mètres à peine.

L'herbe haute avait caché la route. J'ai traversé le goudron fondu pour atteindre les berges de ce rio. Les formes rondes des cailloux lissées par la rivière étaient déformées et amplifiées sous la surface miroitante. Le niveau d’eau dans la rivière était bas, mais il y avait assez d'eau pour mériter un petit plouf. J’ai laissé l'eau fraiche extraire la chaleur infernale de mon corps endolori. Tout au long de mon petit pèlerinage je souffris du manque d’eau et à chaque fois l’eau m’apporta le réconfort, tout en me rappelant jusqu’à quel point elle est indispensable.

Je savais maintenant exactement où j'étais et quels chemins prendre pour arriver à bon port. J'avais marché plus de dix heures. Il y avait encore trois bonnes heures de marche devant moi mais il y avait seulement quelques collines presque inconséquentes à passer et les choses seraient plus faciles vu que la chaleur de la journée commençait à décliner.

Séché et encore vêtu, mes pieds étaient contents d’être hors de mes chaussure de marche. J'ai pensé à marcher pieds nus sur la route chaude, mais le goudron était encore trop molle. Je levai mon pouce à quelques voitures de passage tout en marchant. Finalement une s'arrêta et me déposa à l'embranchement de la route non goudronnée qui menait à Nocito.

Il se faisait tard. Le soleil était bas dans le ciel. La lumière poussiéreuse filtrait à travers les pins. L'air était immobile et silencieux. Seuls les bruits de mes pieds dans le gravier troublait la paix. Une bande de tétras effarés se précipita dans la broussaille. Mes jambes et mon dos me faisaient trop mal. J’étais tellement fatigué que j’aurais pu dormir sur les gravats poussiéreux de la route. Je me disais que je n’arriverais à San Urbez après tout.

J'ai commencé à chercher un terrain plat pour planter ma tente, quand j'ai entendu une voiture venant lentement derrière moi. La plaque d'immatriculation était française. J'ai montré mon pouce. La voiture s'est arrêtée à côté de moi. Le conducteur baissa sa fenêtre. Un caniche bondit en aboyant très fort, me causant un sacré choc. Le conducteur a crié sur le chien et l’a mis à l'arrière de la voiture. Je suis monté à côté de lui. Il était instituteur en vacances et allait au village de Bara. Il m'a déposé à moins d'un kilomètre de San Urbez.

Il était presque nuit quand je suis arrivé au refuge de San Urbez. Les tables étaient dressées pour le repas du soir. Des petits groupes de gens étaient assis autour. Ils parlaient tous français et ils buvaient l’apéritif.

Mon amie Geneviève qui tenait le refuge m'a vu et m'a pris dans ses bras. Elle voyait que j’étais épuisé. Je la suivis dans la cuisine où se trouvaient quelques visages familiers. Eux aussi étaient à l’apéro tout en préparant le repas pour les invités. Je trinquais avec un grand verre d’eau. J'avais bu plus de six litres d'eau dans la journée et je n'avais pas uriné une seule fois. Pendant que les autres s’occupaient de la cuisine je me suis hydraté en contemplant le profil de la Tozal de Guara juste en face.

Plus tard, lorsque le service fut terminé, j'ai rejoint l'équipe autour d'une table sous les étoiles et je mangeais à ma faim. Geneviève me demanda si je voulais dormir dedans ou à la belle étoile et puis elle m’aida à installer un matelas épais et un oreiller en plumes au pied d'un chêne géant.

Dans les espaces entre les branches je regardais les étoiles filantes zébrant le ciel nocturne, et les yeux pleins de larmes, j’ai murmuré une prière à San Urbez et à l'apparition en robe bleue au village de Sasé.

Comments

  1. merveilleux . je pleure en vous lisant

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  2. meveilleux . je pleure en vous lisant

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Thanks

Marc

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